Interview d’Adrien Poillot – Président de SINEA

Le démembrement a-t-il bonne presse auprès des mairies ?

Les montants des aides au Logement social ont fortement baissé depuis 10-15 ans, notamment faute de ressources des collectivités territoriales (dont les mairies). Il est donc utile de continuer à favoriser les mécanismes visant à construire et développer avec des aides publiques diminuées. Par quels moyens ? Avec des montages comme les baux emphytéotiques, le BRS (Bail Réel Solidaire) ou encore le démembrement de propriété usufruit/nue propriété. Il y a une vraie ingénierie financière et juridique qui se développe sur ces montages mais le démembrement ne pourra pas répondre à toute la demande de logements. Il permet seulement de répondre à une demande de logements intermédiaires sur certaines zones tendues. Il ne doit pas non plus être la seule réponse sur ces zones qui souvent, sont aussi celles où le nombre de logements sociaux familiaux et pérennes est faible.

Le démembrement est donc un outil comme un autre dans la palette des bailleurs sociaux. Néanmoins, les difficultés qu’ils connaissent à construire dans les zones en fortes tensions locatives les poussent de plus en plus vers ce modèle de co-construction. Le contexte actuel de remontée des taux d’intérêt, de hausse du coût travaux et hausse des dépenses énergétiques va dans ce sens.

Bien évidemment les maires sont à l’écoute de ces difficultés et appréhendent de mieux en mieux l’outil qu’est le démembrement (ULS ou ULI). L’élu sait qu’il s’agit de logement social à durée déterminée, et que cela permettra à l’OPH (ou une ESH) de se positionner sur des fonciers plus chers, comme à Paris ou en première couronne, ce qui est la politique première de développement de SINEA. Nous allons là où l’ULS (ou ULI) a du sens : (i) pour le bailleur, car il n’arrive plus à se positionner et à développer sur un territoire donné et (ii) pour le nu propriétaire. La localisation reste et doit rester le premier critère d’investissement en matière d’immobilier, à fortiori lorsque l’on s’inscrit dans des cycles longs (15-20 ans).

Aussi, les maires sont sensibles au fait que l’usufruit locatif est un formidable outil de mixité sociale dans des quartiers où le marché immobilier est tendu.

Néanmoins, certaines mairies investissent encore peu ou pas du tout dans le démembrement, soit par idéologie en considérant que le démembrement ne résout rien à long terme soit par un manque de maîtrise du dispositif ou encore par peur que ce dispositif devienne par la suite la norme, ce qui dans les faits reste peu probable au regard des chiffres en démembrement ramenés à la production totale en logement locatif sociaux. C’est pourquoi SINEA diffuse régulièrement des communications d’information à destination des maires et participe aux rencontres sur le territoire.

En quoi la nue propriété tant à se démocratiser ?

Tout d’abord, on observe depuis plusieurs années que le marché de la nue propriété est en plein développement de part le nombre croissant d’acteurs. Cela s’accompagne aussi d’offres et de montages différenciants, ce qui va dans le bon sens bien entendu !

Les retours d’expérience des bailleurs sociaux ont permis aux équipes de SINEA de travailler main dans la main avec eux en vue d’améliorer le modèle, notamment en retravaillant les conventions de démembrement dans l’objectif d’améliorer les montages et sécuriser les investisseurs.

Grâce au démembrement de résidences pour étudiants, nous sommes en mesure de proposer des budgets nue propriété à partir de 70 000€, un ticket relativement bas pour quiconque souhaiterait rentrer dans le marché immobilier, tout en limitant son risque puisqu’il investit avec une décôte comprise entre -35 et -50%. C’est d’ailleurs là une autre raison qui explique aujourd’hui la demande grandissante en nue propriété : il s’agit d’un investissement para-cyclique, qui a la capacité de surpasser les crises haussières et baissières.

Vous avez quelques chiffres à nous donner sur le démembrement ?

Historiquement, l’ULS était surtout dédié à la production de logements familiaux. Depuis quelques années, certains opérateurs dont SINEA ont commencé à proposer du démembrement de propriété en résidence étudiante.

L’intérêt d’un débouclage de l’usufruit plus facile à anticiper du fait des profils des occupants rassure à la fois l’usufruitier et les nus-propriétaires. Ce type d’actifs, qui part nature, sont d’une taille relativement importante (de 50 à 120 unités par opération) participe donc à augmenter chaque année les chiffres de la production en démembrement.

Néanmoins et comme expliqué précédemment, le démembrement reste un outil à la marge dans la production de logements sociaux en France : en 2020, environ 2 000 logements en ULS sont sortis, sur un total de de 87 500 logements sociaux produits sur la même année.

L’USH (Union Sociale pour l’Habitat) a publié il y a quelques mois ses chiffres sur l’ULS :

Enfin, on peut citer le développement de l’ULI (Usufruit Locatif Intemédiaire) qui représente une part croissante dans la production de logements démembrés aux côtés des bailleurs sociaux.